L’ostéopathie en terre Ayuverdique

IMG_0872

Maïthri Mandir (Maison de l’amitié) est un lieu situé dans le Kerala au Sud de l’Inde, basé sur l’échange et la solidarité. Son fondateur Sarva Atma a fait de son association un centre de formation qui remplit de multiples fonctions au prés des habitants de son village (Nedungolam):
Emancipation par le travail et apprentissage pour les femmes.
Dignité retrouvée pour les hommes dans un pays où toute réalisation personnelle est bridée par le déterminisme des origines et le fatalisme du karma.
Cette économie locale s’est construite autour d’un centre qui accueille principalement des Français pour des cures ayurvédiques.

Un jardiner s’occupe des plantes nécessaires au traitement, des cuisinières préparent des plats adaptés pour chacun selon les règles de la médecine ayurvédique, des médecins qui prescrivent des soins en fonction des informations recueillies lors d’anamnèses très poussés, et des masseurs qui par leurs traitements vont participer à la détoxication, pierre angulaire de la cure ayurvédique.
Dans cette édifice de soin chaque acteur se sent responsable de sa partie et donne le meilleur de lui-même, la hiérarchie est abolie, le jardinier et les cuisinières sont aussi importants que les médecins du Centre. C’est peut-être cela que l’on ressent, un mélange d’autogestion collective et d’harmonie.
C’est dans ce contexte que mes cours ont commencé d’autant plus favorablement que la salle est perchée au niveau des cocotiers où les bruits de la forêt tropicale deviendront de plus en plus familiers.

L’ostéopathie, ils connaissent au moins de nom, il ne tarderont pas à connaître le visage de A Still, tant il est associé à la discipline et facilement consultable sur le net. Ils en savaient donc plus que moi sur le sujet grâce à la mémoire infinie de Google. On ne rivalise pas avec ce dernier et je me concentre sur la question: qu’est ce que je pourrais bien leur apprendre ?
Je sais qu’ils sont Indiens et soignants et je partage avec eux au moins une qualité. Ils sont docteurs, masseurs et pratiquent la médecine ayurvédique, ou Science de la vie, qui cherche à maintenir le sujet en bonne santé, et le guérir des maladies en tenant compte de la réalisation de soi.
De quoi avoir des complexes quand on a que ses mains pour soulager.
C’est ainsi que j ai commencé en racontant ce que les doigts peuvent voir en se posant sur le dos d’un patient à la recherche de quelque chose d’anormal.
Parler d’abord du mouvement de la vertèbre dans l’espace et ensuite le sentir et l’apprécier qualitativement et quantitativement, cela ne leur a pas posé de problèmes, tant ils étaient avides de compléter cette dimension manquante de leur pratique.
La médecine ayurvédique prend en compte l’environnement de la personne et une attention particulière à son histoire personnelle, ainsi qu’aux répercutions psychologiques. La méthode pour évaluer le déséquilibre se fait par un interrogatoire complet sur les habitudes de vie, l’observation et la palpation, puis la prise des pouls à trois doigts. Caractéristique de la médecine Indienne pour déterminer l’état des trois dosas qui sont les trois énergies fondamentales nécessaires à la santé.
Ces forces vitales pour s’exprimer ont besoin de canaux pour être véhiculés dans tout le corps, la loi de l’artère de A Still n’est pas très loin et pour mes interlocuteurs du bout du monde, la compréhension de ce fondement de l’ostéopathie va de soi.
Visualiser et sentir le déséquilibre au niveau de l’unité vertébrale une première étape qu’ils ont franchi sans difficulté, par contre proposer de directement le corriger n’est pas dans leur philosophie.
En effet cette dimension physique du traitement est loin d’être centrale dans la médecine ayurvédique.
Une autre difficulté a surgi celle-ci plus culturelle, les hommes ne doivent pas toucher les femmes par respect pour elles. Pas facile pour les faire travailler ensemble.
C’est une femme médecin qui a pris les devants en proposant de servir de cobaye, permettant ainsi de débloquer la situation.
Ils sont pragmatiques, peut-être l’héritage de la colonisation Anglaise, et c’est avec beaucoup d’enthousiasme et d’intelligence qu’ils se sont mis au travail. Les hommes et les femmes se mélangeant pour mieux corriger un dysfonctionnement vertébral qui jusqu’à lors leur était complètement inconnu.
Le pouls radial comme guide pour faire le diagnostic et conduire le soin.
L’index, le majeur et l’annulaire posés sur l’artère, trois points qui vont apprécier subtilement l’énergie vitale du sujet et ses capacités d’auto-guérison. L’écoute du rythme du MRP pour les ostéopathes, le pouls radial pour les praticiens ayurvédiques ont une certaine similitude d’abord dans la finesse des perceptions ressenties, et dans leurs interprétations sur l’homéostasie du corps, c’est à dire la capacité du patient à se défendre contre toutes sortes d’agressions, afin de maintenir un état stable synonyme de bonne santé.
Leur appétit d’apprendre et de comprendre l’ostéopathie est tout a fait réjouissant, même s’ils le montrent d’une drôle de façon : en secouant la tête de droite à gauche comme pour dire non. Ainsi à chaque fois que je développais un nouveau thème, je voyais des têtes dodelinées devant moi comme signe d’approbation.
Les médecines holistiques ont en commun de ne pas traiter les symptômes, mais pour soigner de se diriger vers le déséquilibre qui génère ces signes cliniques. Il peut se trouver au niveau du rachis, du système cranio-sacré ou viscéral, et là il n’échappera pas à la sagacité du bon ostéopathe.
Mais si le point de départ est plus profond, psychisme, habitude de vie, alimentation, l’Ayurveda sera par sa méthodologie beaucoup plus adaptée pour traiter le terrain, en nettoyant le corps des toxines et en tenant compte de l’histoire du sujet autant dire de sa psychologie.
Exporter son savoir, le confronter à l’autre est régénérant, car si je n’avais aucun doute sur leurs capacités à comprendre je pouvais en avoir sur l’universalité de l’ostéopathie. Et j’ai pu redécouvrir combien cette discipline peut traverser les frontières et s’adapter aux cultures qui ne sont pas la sienne.
Le plus étonnant est que je sois parti doté d’un eurocentrisme occidental avec un léger sentiment de supériorité, et revenu en affirmant que l’ostéopathie était bien complémentaire de la médecine ayurvédique.
La médecine occidentale étudie et classe les maladies avec beaucoup de soin, la médecine ayurvédique soigne plus la personne que la maladie.
Cette autre façon de penser la santé de l’individu n’exclut pas la connaissance scientifique mais replace le patient au centre du traitement, la maladie et son remède n’existant pas sans lui.
Mes élèves Indiens ont reçu une formation médicale complète, ils ont appris un découpage du corps plus subtil, afin de représenter au mieux la réalité d’un être vivant.
Cette description de l’être humain fait la part belle à l’esprit, elle tient compte des influences de toutes sortes que subit l’individu, des cinq éléments qui composent l’univers jusqu’a la plus petite émotion.

Six mois après je rencontre Sarva Atma lors de son passage en France, pour échanger sur notre expérience commune, je lui pose quelques questions:

– As tu quelques choses à rajouter sur la présentation que j ai faite de ton centre ?

SA – Oui, l’intention de ce centre est d’offrir à la fois un réseau économique autonome et un projet de santé alternatif, mêlant soin du corps et de l’esprit accessible à tous. Mais en démystifiant l’idée de Dieu par l’étude comparée des religions; cette association a pour vocation de s’ouvrir au monde, d’être multiculturelle et de s’inscrire dans la tradition du yoga, l’action sur soi et l’action sociale pour au final vivre mieux .

– Quel était ton projet de départ lorsque tu m’as proposé de donner des cours ?

SA – La rencontre de deux civilisations, une approche qui va produire quelque chose de neuf, nous on s’occupe de la cause, vous plus des symptômes, même si l’ostéopathe le fait à priori moins que le médecin allopathe; qui fort de sa rationalité se propose de soigner toutes les maladies un peu comme un dieu plus scientiste que spirituel.

– Cela a produit quoi?

SA – Un nouvel espace entre la médecine ayurvédique qui a besoin de temps pour se déployer, et les techniques de marmathérapie un peu brutale dans leurs approches. Donc on a besoin de former des praticiens ostéopathes pour combler se manque.
Cette expérience prouve que l’attente est forte à travers les médecins et les masseurs qui ont suivi ton cours. Mon intention est de faire une école pour former des ostéopathes au Kerala. Des thérapeutes qui pourront vivre de leurs travail et une population soignée plus rapidement avec efficacité et moins couteuse.

-Pourquoi l’ostéopathie ?

SA – La maladie c’est une fragmentation, la division. La santé c’est l’unité, le toucher restaure cette unité, l’ostéopathe permet facilement avec l’aide des mains de répondre à cette exigence, et le soulagement peut être rapide avec peu de moyen. L’unité c’est la vérité qui est souvent révélé par le toucher, le but est d’obtenir la guérison en soudant les fractures du corps.

Le rendez-vous est pris , en Mars prochain l’expérience sera renouvelée autour d’une exigence qui c’est peu à peu dessiné ouvrir cette formation aux professionnels de santé extérieurs au centre et venant de tout le pays à suivre …