L’accompagnement d’une femme au corps meurtris en Terre d’asile

Nous, on se raconte et on cherche des témoins pour être écouté. Eux ils parlent peu de leurs difficultés et pas du tout de leurs malheurs un signe de force en Afrique. Le centre d’accueil pour demandeurs d’asile n’a pas besoin de savoir pourquoi ils fuient leurs pays d’origine, il les accompagne avant tout à partir de leurs propos.

Elle me racontera son destin à travers les maux de son corps. Pour nous ostéopathes, il suffit de suivre les traces que laisse la douleur. Sur son dos autour de la tête à la base du cou. Une région très vulnérable, elle n’a pas pu la protéger des coups donnés par son mari. 

Un mariage forcé comme il en existe au Sénégal et ailleurs. Son père a vendu sa fille pour de l’argent, dicté par la misère, à un homme du pays. Elle s’est enfuie et maintenant elle ne peut plus rentrer, elle lui « appartient« . Un retour au pays l’exposerait à nouveau aux mauvais traitement de son père et de son époux (forcé) et elle ne serait pas protégée par les autorités de son pays.

Le CADA accueille, héberge et accompagne pour toutes les démarches administratives et surtout juridiques, sociales et sanitaires pour un accès aux soins physiques et psychologiques une population en exil forcé.

Cette jeune femme souffre, les muscles se sont durcis, c’est d’abord une protection, un spasme, souvent la première réaction. Moi, je vais essayer de les détendre, d’effacer cette réponse inadaptée à l’agression.

Les mains qui soignent rassemblent, les mains qui frappent dispersent. Les fuseaux neuro-musculaires, le cerveau du muscle font très bien la différence.

Ils vont orchestrer cette réponse.

Les mains du soignant vont détendre les tissus, permettre la circulation des flux, réunifier les parties du corps entre elles.

Tout le contraire pour le corps fragmenté par les blessures de différentes natures.

Mme X, mise en confiance par la directrice du centre que je soignais, a fait confiance à mes mains. Nous avons peu parlé au début et en quelques séances, la douleur a diminué, les mots ont remplacé peu à peu les maux.

Elle s’est confiée sur cette peur des hommes encore très présente, sur la difficulté de l’exil, d’être loin de son pays, de sa famille, de sa fille, de son immense tristesse.

Une autre patiente de La République centrafricaine, arrivée elle en France enfant, m’a dit : « Ouvrez les yeux monsieur Lançon, le monde est dur, l’esclavage, les mariages forcés, la misère, l’excision des petites filles, des femmes… »