La douleur en ostéopathie

« Comment ça va avec la douleur ? »

Expérience sensorielle et émotionnelle désagréable, on se sent tout de suite mieux avec une telle définition, mais pas le patient qui consulte en ostéopathie tant la douleur règne en maître. Elle est en effet le premier motif de consultation, quelle soit aigüe ou chronique, son « expérience » doit autant que possible ne pas se renouveler mais s’évanouir dans nos mains.

Pour cela l’ostéopathe doit apprendre à décoder la douleur. Au début de l’examen du patient, elle est simplement formulée, verbalisée : « j’ai mal au  bas du dos… etc. », c’est une douleur d’appel, cela demande beaucoup d’attention, elle peut cacher beaucoup de choses, c’est le premier fil à tirer. L’interrogatoire en précisera les contours. La palpation pourra apprécier son caractère profond ou superficiel en fonction de l’intensité de la pression exercée, et déterminer l’origine articulaire, musculaire ou cutanée. C’est l’enfance de l’art mais nous n’en sommes qu’au début.

Ensuite la palpation devient plus subtile car elle devra tester les récepteurs nociceptifs en variant la durée de la pression pour déclencher la douleur et ainsi tester des nocicepteurs différents, adaptables ou non adaptables. Cette appréciation permettra de mieux connaître le site de la douleur et d’utiliser des corrections sur cette même région ou à distance. Car la douleur peut être trompeuse, sa localisation ne correspond pas toujours à la lésion. L’exemple des douleurs référées d’origines vertébrales ou viscérales est là pour nous le rappeler. La douleur est rapportée à la région cutanée périphérique innervée par le même segment que l’organe ou la vertèbre lésée.

Tester l’adaptabilité des récepteurs, c’est-à-dire la vitesse à laquelle ils vont transmettre le message douloureux, est une information précieuse pour le choix de la technique, les manœuvres de massage et techniques de point triggers seront plus efficaces sur des points douloureux déclenchés immédiatement par la pression (récepteurs non adaptables), et les manipulations articulaires structurelles plus adaptées quand la douleur est déclenchée plus tardivement , mettant en jeu des mécanorécepteurs plus profonds et adaptables.

Ces manipulations vont agir indirectement sur la douleur en corrigeant la lésion articulaire qui en est la cause. Au niveau de la dysfonction vertébrale provoquée par un mouvement incontrôlé, le spasme musculaire de protection et les lésions tissulaires associées vont libérer les médiateurs chimiques de l’inflammation- provoquant des phénomènes douloureux- celle -ci est complexe véritable « réaction chimique » qui va s’auto-entretenir.

Comment l’ostéopathe va intervenir dans cette « soupe inflammatoire » ? Avec beaucoup de doigtés, il s’agit de ne pas relancer le processus, faire céder le spasme musculaire sans provoquer des réactions vasodilatatrices. En effet l’histamine et la bradykinine libérés par la manipulation avec trust vont exciter les nocicepteurs cutanés, très sensibilisés par l’inflammation. Peut être une explication des phénomènes douloureux post manipulatif.

Cet effet « aspirine » tant recherché, peut se révéler redoutable dans les cas de blocage avec douleur aigue, lumbago, torticolis. Là, le praticien expérimenté préférera les manipulations fonctionnelles ou myotensives, et si celui-ci est un irréductible du craquement, il utilisera des corrections moins réflexes avec des bras de levier indirects.

Cependant les pratiques manipulatoires avec trust peuvent être très efficaces sur la douleur en activant des systèmes modérateurs, comme le « gate control system : inter –neurone inhibiteur «  et les centres supra médullaire en sécrétant des endomorphines. Aie ! Alors une fois les douleurs vont augmenter et une autre fois elles vont diminuer avec la même pratique ? Oui, il faudra choisir avec sagacité la région à manipuler, et ce n’est pas toujours la plus douloureuse mais plutôt la moins mobile.

Pour résumer, les manipulations possédant un puissant effet réflex (neurovégétatif, neuro –vasculaire) seront à magner avec beaucoup de précautions, dans le cas d’inflammation des tissus conjonctifs autour de la lésion.

La douleur sera le fil conducteur de notre traitement, malgré sont caractère subjectif, elle nous permettra de suivre l’évolution du traitement et d’en ajuster les composantes, comme nous venons de le voir précédemment.

L’ostéopathe est aussi amené en prendre en charge la douleur dans sa dimension psycho-sociale, c’est le sujet qui va réagir en fonction de son sexe et de ses expériences antérieures de la douleur et de la gêne professionnelle qui en découle. Tous ces éléments peuvent contribuer à fausser son évaluation et même le système d’échelle de 1 à 10 qui prévaut en médecine, ne paraît pas toujours bien adapté. En ostéopathie, quantifier la douleur est aussi difficile, mais en touchant, en palpant en interrogeant sans cesse le sujet et son corps, l’ostéopathe localise la douleur, la cerne, et objective une souffrance qui, à travers les mains du praticien perdra un peu de son caractère anxiogène. C’est le : « comment ça va avec la douleur ? » utilisé en Afrique pour seulement prendre des nouvelles de son interlocuteur, une façon de la banaliser et la ramener à son quotidien. Dans un cabinet d’ostéopathie, c’est avec cette question que tout va commencer, elle sera formulée plus prosaïquement : » où avez-vous mal ? ». Au fil de la séance et à travers le corps à corps engagé entre le patient sa souffrance et le praticien, la douleur sera moins envahissante, maitrisée, restituée dans sa dimension fonctionnelle et on pourra en guise d’épilogue demander : « la douleur vous gêne- t-elle encore ?  »  .

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