Le Magicien

C’est magique, un jour, une pensée un traitement, un moment. C’est d’abord un spectacle une rencontre entre un public et un artiste.
Thiais à côté d’Orly a un théâtre municipal, ce soir il reçoit un magicien et son équipe. Je ressens une joie simple et une légère appréhension, commune à l’enfance à l’approche d’un spectacle.
Je suis assis sur le côté à proximité de la scène. J’ai envie de tout voir mais pas d’être vu. J’ai été invité par Jean Luc Bertrand, je crains qu’il ne me demande de venir sur scène. Il est mon patient depuis presque 3 ans. Un soir en rentrant d’une représentation sa trottinette s’est bloquée dans un trou de la chaussée, il a fait une chute de plusieurs mètres, tout s’est arrêté.

Tout est parti en morceaux sa vie d’artiste, son corps. Je l’aide depuis à réunifier un peu celui-ci, c’est le but de tout traitement holistique obtenir l’unité de l’organisme.
Il rentre en scène. J’ai souvent imaginé ce moment, quand sur ma table, il ne pouvait presque plus bouger, paralysé par la douleur ou son souvenir lors de la chute. Là je vois un homme tourbillonnant nous transportant dans son monde. C’est joyeux, impertinent, il se moque de nous et beaucoup de lui. Il est accompagné d’un gorille une sorte d’avatar, ils forment un couple extrêmement drôle et tendre, qui va rythmer la soirée, amener les enfants et les adultes sur scène. Un spectacle interactif de magie, je me demande pourquoi je suis venu, je n’aime ni les surprises ni les invitations à venir participer.
Un ballet avec une cigarette prêtée par un spectateur, je cherche un fil invisible autour du magicien, mais il n’y a rien seulement une féerie entre un objet et un homme. Je commence à changer d’avis et je ris énormément, j’oublie peu à peu mes peurs.
Sur la scène un homme est assis sur une chaise, Jean Luc se tient debout à ses côtés tout proche, il lui demande avec douceur de se souvenir d’un lieu, une maison de son enfance, nous pénétrons avec lui dans sa chambre, une chanson de Renaud emplit l’espace, il est sous hypnose, il nous raconte. Un drôle d’objet s’invite : une toute petite boîte à musique qui va jouer la chanson de Renaud alors que personne ne savait qu’il la choisirait dans ses souvenirs. Cette mise en scène a un léger parfum de sorcellerie. Je regarde ma voisine, est-elle partie comme moi très loin sans se soucier de ce qui va arriver. Ou est-elle restée accrochée à son siège en essayant de comprendre les mécanismes du mentaliste.
Une représentation pour enfant ou un spectacle où les adultes laissent libre cours à leur imagination, réunir les deux Jean Luc Bertrand se sert de la magie pour le faire.
En repartant devant le théâtre je l’ai croisé, il était au milieu des gens prolongeant le moment passé, souriant. J’étais heureux de le voir et je l’ai remercié chaleureusement.

Monter la dune

Monter la dune jusqu’à son sommet tout en arrondi, puis plonger vers la mer du moins du regard. Le champ visuel s’agrandi et on découvre le ciel, la mer, le sable, des couleurs différentes bien délimitées en apparence, mais ces frontières vont s’effacer si on marche vers elles. Quotidiennement je fais cette expérience, je vis dans les Landes au pied de la dune. 

Un ami artiste peint des carrés, des rectangles en couleurs, c’est toujours une expérience nouvelle devant ces tableaux, mêlant énigmatique et proximité. Quand je lui demande : alors tu peux m’en dire un peu plus sur ce que je vois, tu peux m’éclairer un peu ? Il répond c’est la forêt, la mer, la dune, le sable, l’horizon, le soleil. J’aurais pu m’en douter, il vit comme moi au pied de la dune et lui peut restituer ce que l’on voit quotidiennement. 

Pourquoi des formes géométriques totalement différenciées arrivent à restituer cette impression de fondue enchaînée du paysage que forme les plages landaises ? 

Devant un tableau censé rassembler la mémoire visuelle d’un coucher de soleil. Il me dit : « je fixe un coin du tableau, un carré de couleur plus clair et les autres détails apparaissent comme une continuité, c’est une porte d entrée du tableau. Mais on peut faire l’expérience inverse partir de l’ensemble et revenir au détail. Ce va-et-vient notre vision le fait tout le temps, pour mieux reconstituer un paysage. » Antoine pour représenter le réel peint des formes géométriques, les assemble leur donne des couleurs, je ne sais pas dans quel ordre.

Sait-il que l’on rentre dans ses tableaux comme quand on monte la dune pour aller voir la mer inlassablement ?