J’aimerais sauver mon âme. 

Je pars en Inde, je connais un peu ce pays, je suis allé au Kerala il y a 7 ans. J’y retourne pour 3 semaines. Je décide de ne rien projeter et de vivre au présent ce voyage. Sans savoir que je vais apprendre à faire exactement que cela et répondre en partie à mon souhait. 

C’est le yoga, l’expérience du concret qui fait le moment, c’est à dire vivre pleinement le présent. Cela semble évident, en réalité, c’est terriblement difficile, il nous échappe comme de l’eau dans la main.

Je suis suffisamment conscient de mon mal être du moment pour me lancer dans cette expérience. Au début je me contente de dormir pendant que mes compagnons enchaînent au petit matin, méditation, respirations guidées, postures. 

Je suis attiré par la mer, la chaleur m’enveloppe quand je roule en scooter, je me sens bien, le soir j’écoute l’enseignement de Sarva. Il nous explique pourquoi le yoga est indispensable à l’éveil de la conscience. Le programme est ambitieux, les discussions sont surprenantes, il a une forme de radicalité que je comprends et qui me ravit. Pour lui la liberté est sans concession et sa quête une discipline pour la vie. Il bouscule nos habitudes de pensées disons occidentales. 

J’avais exactement besoin de ça, réfléchir à notre condition humaine de la naissance à la mort sans oublier, toutes les étapes intermédiaires, qui rassemblent l’existence. Je découvre que l’on peut en parler avec méthode, sans emphase, dépouillé de tout jugement moral, loin des religions. 

« Bienvenue à la pratique » je ne sais pas quels mots déclenchent en moi une émotion irrépressible. La chaleur du premier ou la promesse du second. 

Je suis assis en tailleur, le dos bien droit, les mains posées sur les genoux, le pouce et l’index se touchent. Cette position n’a rien de naturel, les genoux sont douloureux, les muscles se révèlent. Un thème de méditation va me rappeler pourquoi je suis là, mais je ne ressens que la souffrance et l’éternité de ces 30mn qui va avec. 

Chasser les pensées qui m’assaillent, comme les essuies glaces la pluie. La voix de Sarva nous guide, il parle un français parfait dans toutes ses nuances mais c’est un Indien avec des intonations envoûtantes. Alors j’ai envie de le croire quand il parle de faire la connaissance de soi, en se dépouillant de tout l’inutile accumulé. 

Respirez profondément, il fallait y penser pour chasser le superflu. Le souffle nous accompagne toute la vie, il va se révéler un outil formidable pour se concentrer sur la perception de l’instant, le corps dans son entier va nous y aider, surtout si vous le mettez dans des postures qui ne ressemblent pas aux autres pratiques. Vous croisez en même temps les bras les avant-bras et les mains, vous faites pareil avec les membres inférieurs, restez 2 mn en respirant calmement. La posture de l’aigle étrangement ligoté par vous-même, cette position sur le dos, réunit tous les secrets de la pratique du yoga, du moins j’ai envie de le croire à l’instant où je la fais. Elle n’est pas facile à maintenir, sa dénomination n’évoque rien de ce que l’on ressent et pourtant je me convaincs de continuer pour vivre cette expérience du yoga, sa pratique, accéder à l’éveil de la conscience. 

Une blague pour occidentaux repus ou un courant de pensée très ancien destiné à répondre au questionnement infini de l’être humain, d’offrir à travers des textes, des aphorismes, les « sûtras » une voie pour se libérer, c’est sérieux. 

Sarva parle de régularité dans la pratique, de l’obligation de se discipliner. Tous les matins il propose un enseignement de la pratique du yoga en ligne, où qu’il soit en Inde ou en France, il commencera en évoquant un thème de réflexion, un sujet de méditation puis très vite nous laissera dans notre silence.  

Comment ne pas comprendre, la nécessité des postures et la maîtrise du souffle pour vivre pleinement et confortablement ce moment où la pensée s’arrête, celle automatique inutile qui brouille tout. 

Tout ça pour ça, tous ces efforts pour taire le mental pendant quelques instants, quelques minutes dans une simple position assis en tailleur. Oui il faut faire beaucoup d’efforts pour être heureux.