Je te suis

Je viens, je reviens de loin. Hier soir, j’ai enfilé ma combinaison. Une pluie fine sans un souffle de vent, le ciel est gris, j’ai couru et monté la dune. Dans l’eau, une seule couleur, l’horizon et l’océan se confondent. La vague qui va se former tout à l’heure, je ne la verrai pas, mes yeux ne distinguent plus les reliefs. Mais ce moment, je ne pouvais pas le manquer, il était déjà inscrit dans ma mémoire.

Une belle ondulation, j’essaie de la rattraper avec la force de mes bras, elle me soulève et m’emporte avec elle. Je suis à son sommet, j’ai de la vitesse, elle se creuse, ma planche est presque verticale, je suis debout, défiant les lois de l’équilibre.

Je viens de loin, je ne pensais pas pouvoir y arriver, pas seulement redresser ma planche et glisser au cœur de la houle, des secondes d’étonnement. Mais aussi faire des études, rencontrer une femme, avoir un enfant, vivre de mon métier de soignant, mon existence en quelque sorte.

Mon corps se positionne naturellement et les manœuvres s’enchaînent, profitant de l’énergie accumulée par la rencontre de la houle et du sable.

J’ai tenté de comprendre pourquoi la vie était si absurde. Enfant, je marchais et courais au gré de mon envie, lui était cloué à son fauteuil et se jouait des mots. Mon cousin fut mon premier patient.

Pour approcher quelque chose de lui, j’ai transformé le « je » en « nous », nous faisions qu’un. Sur les petites routes du Jura, les chemins sinueux, les prairies un peu raides. Souvent, le plus vite possible en prenant des risques. Un attelage de deux garçons assemblés par un fauteuil électrique, jamais assez rapide, que je devais pousser fort, sans véritable but, lancé vers la fin programmée.

Ma vie a été bouleversée par cette rencontre, et je l’ai suivi dans cette bizarrerie de parler de la mort, et pas seulement de la sienne, à longueur de temps pour en rire et s’en accommoder.

Heureusement, il y avait les douleurs physiques qui nous ramenaient à la vie, et à ce moment, je m’appliquais à ranimer ses membres avec mes mains, le contact de mes doigts sur sa peau fragile, mes premiers massages pour le soulager. Dix ans plus tard, je suis devenu Kinésithérapeute.

Je viens de surfer une belle vague, de sa naissance à sa disparition.

Bleu sang

Mes mains ont travaillé, elles méritent bien un peu de repos. Je les frotte doucement avec du savon, après chaque patient c’est ainsi. Dans 10 mn pourtant, les pompiers vont débarquer, la faute à la coloration bleue qu’a pris mes doigts subitement. Panique, je préviens Dimitri du malaise qui m’envahit, il constate comme moi leur couleur anormale. Il va vite comme toujours, médecin au quatrième étage, prise de tension artérielle, déjà au téléphone avec le coordinateur des urgences. Un pompier est penché sur moi pour me faire un électrocardiogramme. Le sergent, une femme, orchestre le tout avec une autorité bienveillante. Elle sourit, moi je n’ai des yeux que pour le bleu de mes mains. Je me concentre aussi sur tous les gestes très efficaces que j’observe. Bientôt ils vont m’amener aux urgences de l’hôpital Cochin. 

Pour l’instant les regards un peu inquiets de Cécile, Victoria et Dimitri m’accompagnent. Ce sont mes collaborateurs, associés, mes camarades. 

Tout à l’heure, installé dans un lit je vais avoir le temps de penser ma vie, à commencer par ce cabinet boulevard Raspail crée il y a quatre ans avec Dimitri kinésithérapeute ostéopathe, il reçoit les danseurs de l’opéra de Paris, c’est un thérapeute apprécié et reconnu. C’est lui qui s’occupe de la logistique du cabinet moi je le regarde faire. Sa collaboratrice Cécile est une jeune kinésithérapeute très vive, elle semble avoir déjà beaucoup d’expérience, elle a une vraie présence. Victoria est psychologue, elle occupe une place importante pour l’équilibre du cabinet, elle nous reçoit tour à tour dans sa pièce de consultation chacun à sa façon va s’exprimer, se confier à tout moment de la journée. 

Mes mains sont toujours l’attention des médecins urgentistes, leur couleur reste une énigme médicale, moi je me sens plutôt bien, les urgences d’un hôpital une fois installé confortablement sont sécurisantes, je peux mourir sans précipitation. Mais c’est aussi un lieu terriblement scénique, les acteurs sont dans le mouvement permanent, codifié, peu de place pour la psychologie, chaque geste a un sens pratique. À travers les vitres on peut être vu et regarder comme on visionne une série. J’imagine les vies de tous ces soignants passionnantes assurément, tellement ils se montrent héroïques à soigner, à guider, à rassurer. 

Moi pour l’heure la mienne va m’être rendue, mes doigts ont retrouvé leur aspect d’origine et leur épisode bleuté reste sans explication. 

Les esprits autour de moi évoquent la fatigue, le vieillissement, une forme rare et atypique de je ne sais quoi. Moi au fond je sais que c’est mon âme, au bout de mes doigts rien d’étonnant, toute mon intuition y est depuis longtemps.

Je ferai quand même des analyses de sang et consulterai des spécialistes. 

Victoria me dira « bleu, cyanosé, mains, rien que des signifiants. »

J’aimerais sauver mon âme. 

Je pars en Inde, je connais un peu ce pays, je suis allé au Kerala il y a 7 ans. J’y retourne pour 3 semaines. Je décide de ne rien projeter et de vivre au présent ce voyage. Sans savoir que je vais apprendre à faire exactement que cela et répondre en partie à mon souhait. 

C’est le yoga, l’expérience du concret qui fait le moment, c’est à dire vivre pleinement le présent. Cela semble évident, en réalité, c’est terriblement difficile, il nous échappe comme de l’eau dans la main.

Je suis suffisamment conscient de mon mal être du moment pour me lancer dans cette expérience. Au début je me contente de dormir pendant que mes compagnons enchaînent au petit matin, méditation, respirations guidées, postures. 

Je suis attiré par la mer, la chaleur m’enveloppe quand je roule en scooter, je me sens bien, le soir j’écoute l’enseignement de Sarva. Il nous explique pourquoi le yoga est indispensable à l’éveil de la conscience. Le programme est ambitieux, les discussions sont surprenantes, il a une forme de radicalité que je comprends et qui me ravit. Pour lui la liberté est sans concession et sa quête une discipline pour la vie. Il bouscule nos habitudes de pensées disons occidentales. 

J’avais exactement besoin de ça, réfléchir à notre condition humaine de la naissance à la mort sans oublier, toutes les étapes intermédiaires, qui rassemblent l’existence. Je découvre que l’on peut en parler avec méthode, sans emphase, dépouillé de tout jugement moral, loin des religions. 

« Bienvenue à la pratique » je ne sais pas quels mots déclenchent en moi une émotion irrépressible. La chaleur du premier ou la promesse du second. 

Je suis assis en tailleur, le dos bien droit, les mains posées sur les genoux, le pouce et l’index se touchent. Cette position n’a rien de naturel, les genoux sont douloureux, les muscles se révèlent. Un thème de méditation va me rappeler pourquoi je suis là, mais je ne ressens que la souffrance et l’éternité de ces 30mn qui va avec. 

Chasser les pensées qui m’assaillent, comme les essuies glaces la pluie. La voix de Sarva nous guide, il parle un français parfait dans toutes ses nuances mais c’est un Indien avec des intonations envoûtantes. Alors j’ai envie de le croire quand il parle de faire la connaissance de soi, en se dépouillant de tout l’inutile accumulé. 

Respirez profondément, il fallait y penser pour chasser le superflu. Le souffle nous accompagne toute la vie, il va se révéler un outil formidable pour se concentrer sur la perception de l’instant, le corps dans son entier va nous y aider, surtout si vous le mettez dans des postures qui ne ressemblent pas aux autres pratiques. Vous croisez en même temps les bras les avant-bras et les mains, vous faites pareil avec les membres inférieurs, restez 2 mn en respirant calmement. La posture de l’aigle étrangement ligoté par vous-même, cette position sur le dos, réunit tous les secrets de la pratique du yoga, du moins j’ai envie de le croire à l’instant où je la fais. Elle n’est pas facile à maintenir, sa dénomination n’évoque rien de ce que l’on ressent et pourtant je me convaincs de continuer pour vivre cette expérience du yoga, sa pratique, accéder à l’éveil de la conscience. 

Une blague pour occidentaux repus ou un courant de pensée très ancien destiné à répondre au questionnement infini de l’être humain, d’offrir à travers des textes, des aphorismes, les « sûtras » une voie pour se libérer, c’est sérieux. 

Sarva parle de régularité dans la pratique, de l’obligation de se discipliner. Tous les matins il propose un enseignement de la pratique du yoga en ligne, où qu’il soit en Inde ou en France, il commencera en évoquant un thème de réflexion, un sujet de méditation puis très vite nous laissera dans notre silence.  

Comment ne pas comprendre, la nécessité des postures et la maîtrise du souffle pour vivre pleinement et confortablement ce moment où la pensée s’arrête, celle automatique inutile qui brouille tout. 

Tout ça pour ça, tous ces efforts pour taire le mental pendant quelques instants, quelques minutes dans une simple position assis en tailleur. Oui il faut faire beaucoup d’efforts pour être heureux. 

L’accompagnement d’une femme au corps meurtris en Terre d’asile

Nous, on se raconte et on cherche des témoins pour être écouté. Eux ils parlent peu de leurs difficultés et pas du tout de leurs malheurs un signe de force en Afrique. Le centre d’accueil pour demandeurs d’asile n’a pas besoin de savoir pourquoi ils fuient leurs pays d’origine, il les accompagne avant tout à partir de leurs propos.

Elle me racontera son destin à travers les maux de son corps. Pour nous ostéopathes, il suffit de suivre les traces que laisse la douleur. Sur son dos autour de la tête à la base du cou. Une région très vulnérable, elle n’a pas pu la protéger des coups donnés par son mari. 

Un mariage forcé comme il en existe au Sénégal et ailleurs. Son père a vendu sa fille pour de l’argent, dicté par la misère, à un homme du pays. Elle s’est enfuie et maintenant elle ne peut plus rentrer, elle lui « appartient« . Un retour au pays l’exposerait à nouveau aux mauvais traitement de son père et de son époux (forcé) et elle ne serait pas protégée par les autorités de son pays.

Le CADA accueille, héberge et accompagne pour toutes les démarches administratives et surtout juridiques, sociales et sanitaires pour un accès aux soins physiques et psychologiques une population en exil forcé.

Cette jeune femme souffre, les muscles se sont durcis, c’est d’abord une protection, un spasme, souvent la première réaction. Moi, je vais essayer de les détendre, d’effacer cette réponse inadaptée à l’agression.

Les mains qui soignent rassemblent, les mains qui frappent dispersent. Les fuseaux neuro-musculaires, le cerveau du muscle font très bien la différence.

Ils vont orchestrer cette réponse.

Les mains du soignant vont détendre les tissus, permettre la circulation des flux, réunifier les parties du corps entre elles.

Tout le contraire pour le corps fragmenté par les blessures de différentes natures.

Mme X, mise en confiance par la directrice du centre que je soignais, a fait confiance à mes mains. Nous avons peu parlé au début et en quelques séances, la douleur a diminué, les mots ont remplacé peu à peu les maux.

Elle s’est confiée sur cette peur des hommes encore très présente, sur la difficulté de l’exil, d’être loin de son pays, de sa famille, de sa fille, de son immense tristesse.

Une autre patiente de La République centrafricaine, arrivée elle en France enfant, m’a dit : « Ouvrez les yeux monsieur Lançon, le monde est dur, l’esclavage, les mariages forcés, la misère, l’excision des petites filles, des femmes… »

Une impression d’audience

Le tribunal de Paris, le nouveau, est imposant. Trois immenses cubes posés les uns sur les autres, un parvis immense glacial ce matin. Une file se forme devant l’entrée, je me range derrière un futur « judiciable » qui, comme moi, va répondre devant la justice.
Je suis convoqué à comparaître devant le tribunal judiciaire. Je rentre un peu les épaules et je trouve la salle d’audience. Il y a des avocats tout autour de moi. Ils sont très détendus, ils plaisantent, ils se renseignent entre eux et vérifient leurs affaires sur un écran. Je fais comme eux, mais avec nettement moins d’assurance. Pourtant tout à l’heure, je vais être mon propre avocat, une sorte de self-défense. Je m’installe sur un banc en bois. La salle est sobre, au mur, une balance symbole de l’équilibre et de la mesure. Je me sens seul tout d’un coup. Les avocats continuent à virevolter, ils s’interpellent, ils portent la robe. Je pense à une classe avant que le professeur arrive. Justement, il arrive, tout le monde se lève, madame la juge entre sur le côté, elle s’assoit. Devant elle, une pile de dossiers. Elle va les prendre un à un suivant un rituel bien ordonné à côté d’elle, une sorte de juge sûrement moins important va indiquer les dates des renvois. Mon nom est prononcé, je me lève, la juge me demande si je suis en mesure de me défendre, je réponds oui, l’avocat de la partie adverse m’a déjà dit bonjour. Notre dossier est retenu, l’affaire sera jugée ce matin.
Je vais tout à l’heure l’exposer devant mes juges. Ils vont m’écouter comme m’a écouté l’avocat de la société de location. J’avais préparé une lettre écrite par une avocate qui décrivait avec justesse le contentieux. Elle est restée sur la table. Je me suis contenté de dire que je suis kinésithérapeute et que je voulais tout simplement acquérir un lecteur de carte vital, avait fait appel pour cela, à un organisme qui devait se charger de tout. Cette entreprise s’est contentée de me prélever tous les mois une somme sans aucun service en retour. Mais les choses les plus simples sont quelques fois les plus difficiles à prouver. Car ces sociétés privées prospèrent sur un marché captif de professions libérales de santé, qui sont réticentes à toutes démarches administratives.
Comment prouver que le matériel livré était inutilisable ? Je suis de bonne foi, je m’entends prononcer cette phrase, sûrement pas suffisante pour convaincre une juge. Mais à mes yeux, et de ma place, dite dans cette enceinte, elle m’a contenté. La magistrat a pris connaissance de toutes les pièces qui étaient en ma possession et les a conservées. Le jugement est en délibéré à la date de… Je n’ai pas écouté la fin de la phrase. Je me sens plus léger, les dés sont jetés, je peux attendre le jugement sereinement. Dehors, sur le parvis, le vent me rappelle à la réalité. Je vais travailler.

Le journal du soir

Lire « Le Monde » papier livré à mon cabinet, une fiction, un fantasme, un espoir fou. Un patient a réussi à m’abonner. Je vais retrouver ce plaisir d’écarter les bras et plonger mes yeux vers l’horizon des lignes, une expérience tellement plus agréable que la lecture sur un écran de téléphone.
En fin d’après-midi, il va arriver, je vais le voir glisser sous la porte. J’attends presque impatient alors que la vieille cela n’existait pas, étrange conditionnement.
Il n’est jamais arrivé, je me suis replié naturellement vers le site du Monde et retrouver mes habitudes de lecture zapping frustrantes. 
Le lendemain matin, la gardienne est arrivée dans la salle d’attente et me l’a tendu avec un air amusé mi-agacé.  Je me suis retenu de lui dire que c’était trop tard que ce monde était déjà trop vieux. J’ai souris trop content de toucher le graal.
Sur mon bureau, ils ont commencé à s’empiler parfaitement pliés. En fait cela va trop vite toute cette intelligence condensée sur du papier, il faut respirer, souffler prendre un peu de temps. « Vous n’allez pas les collectionner quand même !», elle m’a dit cela, Fernanda. La gardienne parle d’expérience, cela fait des années qu’elle distribue ce journal dans cet immeuble tellement parisien et elle connaît les habitudes des abonnés plus exigeants envers les porteurs qu’avec eux-même. 
Ce côté snob parisien, je le repère plus facilement chez les autres que chez moi. Un journal du soir daté du lendemain c’est un signe de capitale, de privilèges, la province recule. Parfait pour le petit Rastignac venu des Landes. Du marqueur social à l’empreinte carbone, un journal papier est moins discret qu’un abonnement numérique mais au final peut-être moins émetteur de CO2, pour cela il faut le faire circuler et il n’émet qu’une fois lors de sa production. Je peux donc m’abandonner à cette pratique coupable et affronter le regard de Fernanda chaque matin en espérant que ce soit un jour, un soir.

Monter la dune

Monter la dune jusqu’à son sommet tout en arrondi, puis plonger vers la mer du moins du regard. Le champ visuel s’agrandi et on découvre le ciel, la mer, le sable, des couleurs différentes bien délimitées en apparence, mais ces frontières vont s’effacer si on marche vers elles. Quotidiennement je fais cette expérience, je vis dans les Landes au pied de la dune. 

Un ami artiste peint des carrés, des rectangles en couleurs, c’est toujours une expérience nouvelle devant ces tableaux, mêlant énigmatique et proximité. Quand je lui demande : alors tu peux m’en dire un peu plus sur ce que je vois, tu peux m’éclairer un peu ? Il répond c’est la forêt, la mer, la dune, le sable, l’horizon, le soleil. J’aurais pu m’en douter, il vit comme moi au pied de la dune et lui peut restituer ce que l’on voit quotidiennement. 

Pourquoi des formes géométriques totalement différenciées arrivent à restituer cette impression de fondue enchaînée du paysage que forme les plages landaises ? 

Devant un tableau censé rassembler la mémoire visuelle d’un coucher de soleil. Il me dit : « je fixe un coin du tableau, un carré de couleur plus clair et les autres détails apparaissent comme une continuité, c’est une porte d entrée du tableau. Mais on peut faire l’expérience inverse partir de l’ensemble et revenir au détail. Ce va-et-vient notre vision le fait tout le temps, pour mieux reconstituer un paysage. » Antoine pour représenter le réel peint des formes géométriques, les assemble leur donne des couleurs, je ne sais pas dans quel ordre.

Sait-il que l’on rentre dans ses tableaux comme quand on monte la dune pour aller voir la mer inlassablement ? 

La mémoire du futur

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L ‘ostéopathie est une pratique qui n’échappe pas à l’intuition pour s’exercer efficacement. Comme si le mot dont la définition latine est de regarder attentivement, avait été inventé en pensant à notre pratique. Cette action de deviner avant de démontrer est souvent le point de départ de tout traitement. Un instinct qui va se densifier lors du déroulement de la séance et nous permettre de voir plus clair.

Tout a bien commencé par une intuition, lorsque A. Still a eu l’idée de manipuler une vertèbre pour guérir un patient. Ensuite, la théorie faite d’empirisme et de savoir médical est venue la conforter. Cette inspiration n’est par arrivé par hasard, elle s’est nourrie de connaissance anatomique poussée et d’une observation sans faille des malades de A. Still .
Il ne faut pas penser que derrière le terme intuition, il y a une faculté supra-intellectuelle, l’intuition est un effort qui consiste à se débarrasser du superflu pour aller à l’essentiel, les philosophes (Bergson ) parlent d’expérience pure. Ce mode de connaissance directe est bien utile pour nous ostéopathe, car il nous permet de voir ce que les autres ne voient pas ou plutôt ne veulent pas voir.  Continuer la lecture

Du bon usage de l’ostéopathie

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C’est un titre un peu désuet mais il veut signifier qu’il existe un « bon usage » c’est-à-dire une pratique capable de soulager un patient assez durablement sans effets secondaires. Pour que cela soit possible, il faut la conjonction de plusieurs facteurs, que je vous propose de nommer. Au début –et bien sur dans l’idéal !- il faut un « bon patient » coopératif et confiant parce qu’éclairé sur ce qu’est l’ostéopathie et n’a pas trop subi les effets désastreux des mythologies ridicules qui circulent dans certains milieux sur le sens de l’ostéopathie ! La méconnaissance des bases de notre discipline dans l’esprit des personnes que nous soignons laisse flotter un parfum d’ésotérisme, et l’idée toute aussi nuisible qu’elle échapperait aux règles classiques de la rationalité.   Continuer la lecture

L’ÊTRE EN MOUVEMENT

Le mouvement est l’expression de la vie, voilà un postulat que personne ne peut remettre en cause mais encore faut-il pouvoir illustrer ce propos et le mettre en perspective. L’auteur : Eric Delion ostéopathe diplômé d’ethnologie et surfeur, va nous guider à travers son livre pour nous permettre de penser l’être en mouvement.

Une entreprise audacieuse qui commence par un rappel des origines de l’ostéopathie et des grands principes énoncés par A. Still, qui n’a eu de cesse de rechercher les expressions du mouvement et sa présence dans le corps humain.
« Le découvreur » de l’ostéopathie comme il aimait à se définir, a élevé cette pratique vers une démarche philosophique se référant aux lois universelles qui régissent l’ensemble des êtres vivants; et pas seulement à un ensemble de techniques ni à une méthode de soin. Sutherland a ensuite enrichi la découverte de de Still en conceptualisant la notion d’immobilité dynamique à travers le modèle crânien.

L’auteur souligne que les différentes étapes de son cheminement intellectuel sont exemplaires car elles sont le chemin que suit l’ostéopathie depuis toujours: la structure – la sphère crânienne – le concept du mouvement respiratoire primaire – la palpation qui devient perception – notion d’écoute fluidique- et enfin les voies énergétiques, spirituelles qui font l’être humain.
Sentir ce rythme commun à chaque individu demande des mains aussi légères que possible surement une des clefs essentielles du traitement ostéopathique.
L’auteur oppose le monisme qui place l’individu comme étant l’émanation d’un tout unique composé de l’univers, du cosmos et du monde, et le dualisme cartésien qui sépare le monde physique et le monde psychique et spirituel.
Les changements profonds s’opèrent d’abord au niveau de l’individu et se propagent par la suite à l’ensemble du corps social, cela doit nous rappeler un des principes de l’ostéopathie : la correction d’une simple unité vertébrale peut rééquilibrer l’ensemble du corps .
Dans cette démarche l’auteur évoque les philosophies orientales entre autres le bouddhisme, sa pratique à travers la méditation, pour vivre mieux avec soi et son environnement, véritable plaidoyer d’une « économie » plus écologique soucieuse de l’harmonie de l’homme avec lui-même et le monde.

En énonçant certains principes simples qui consistent à relativiser le bien et le mal, il rapproche l’expérience de Sutherland de la pratique méditative faite de silence intérieur pour atteindre la connaissance.
L’ouvrage nous invite à rechercher la vérité qui est forcément en nous et non pas dans la comparaison avec l’autre. Par extension la recherche de la lésion, de l’immobilité ne se fait pas sans l’union de la main et de l’esprit. Continuer la lecture